La réforme des sites pollués par la loi ALUR

Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« ALUR ») a été adopté le 20 février dernier par le Parlement. Au-delà des questions relatives au logement et à l’urbanisme, cette loi contient des mesures novatrices en matière de gestion des sites pollués. La loi vise ainsi tout d’abord à faciliter la reconversion des friches industrielles en prévoyant notamment la possibilité pour l’exploitant de transférer l’obligation de remise en état du site à un tiers. Elle vise ensuite à améliorer l’information des populations sur l’état de pollution des sols par plusieurs mécanismes. Elle responsabilise enfin les propriétaires de sites pollués.

 Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« ALUR ») a été adopté le 20 février dernier par le Parlement. Au-delà des questions relatives au logement et à l’urbanisme, cette loi contient des mesures novatrices en matière de gestion des sites pollués. La loi vise ainsi tout d’abord à faciliter la reconversion des friches industrielles en prévoyant notamment la possibilité pour l’exploitant de transférer l’obligation de remise en état du site à un tiers. Elle vise ensuite à améliorer l’information des populations sur l’état de pollution des sols par plusieurs mécanismes. Elle responsabilise enfin les propriétaires de sites pollués.

 

Faciliter la reconversion des sites industriels

 

La loi ALUR rompt avec une interprétation stricte mais jugée peu efficace du principe pollueur payeur. L’objectif, pragmatique, est de favoriser la reconversion des terrains pollués pour pouvoir y édifier notamment des logements. Le moyen est un recours accru au contrat de droit privé plutôt qu'au renforcement des mesures de police et de sanctions administratives, qui ont montré leurs limites, notamment lorsque les industriels ne peuvent faire face à leur obligation de remise en état pour cause d’insolvabilité.

 

Ainsi, la principale mesure du projet de loi ALUR consiste à autoriser un exploitant industriel à transférer, sous le contrôle de l'administration, son obligation de remise en état vers un tiers qui se substitue à lui pour dépolluer le site en fonction de l’usage qu’il souhaite lui donner (nouvel article L.512-21 du code de l'environnement). En pratique, ce tiers sera généralement un professionnel de l’immobilier (promoteur/aménageur).

 

Pour mémoire, jusqu'à présent, l'exploitant pouvait seulement transférer la charge financière des travaux de dépollution, et restait dans tous les cas responsable vis-à-vis de l’administration pendant 30 ans à compter de l’arrêt de son activité. Désormais, c’est l’ensemble de la responsabilité de la dépollution du terrain qui pourra être transférée à un tiers, lequel devra présenter des garanties, à la fois en termes de de solvabilité et concernant l’usage qu’il entend faire du site.

 

Afin de sécuriser ce nouveau mécanisme, la loi ALUR place en effet ce tiers sous le contrôle de l'administration. Ainsi, une procédure encadre la possibilité pour celui-ci de modifier l'usage futur du site initialement défini. De même, son projet de réhabilitation doit faire l'objet, auprès du Préfet de département, d'un « mémoire de réhabilitation définissant les mesures permettant d'assurer la compatibilité entre l'usage futur envisagé et l'état des sols ». Le Préfet de département ainsi saisi se prononcera sur l'usage proposé et pourra prescrire directement au tiers demandeur les mesures de réhabilitation nécessaires pour l'usage envisagé. Enfin et surtout, l'administration pourra contrôler que cette personne présente des « capacités techniques suffisantes et des garanties financières couvrant la réalisation des travaux de réhabilitation (…) pour assurer la compatibilité entre l'état des sols et l'usage défini ».

 

Améliorer l’information sur l’état de pollution des sols

 

La loi ALUR modifie par ailleurs plusieurs articles du Livre Ier du code de l'environnement, relatifs à l'information en matière environnementale s'agissant des sols pollués.

 

Le Préfet va ainsi être désormais chargé d'élaborer des « secteurs d’information sur les sols ». Leur vocation est de permettre d'identifier des terrains pour lesquels serait requise la réalisation d'études de sols et de mesures de gestion de la pollution. Ces secteurs devront être indiqués sur des documents graphiques et annexés aux documents locaux d'urbanisme tel le plan local d'urbanisme. Ce zonage aura donc tout d'abord une fonction d'inventaire mais aussi d'information des maîtres d'ouvrage par l'intermédiaire des documents locaux d'urbanisme. La mise en place de ce dispositif est cependant soumise à l’intervention d’un décret, dont la rédaction semble déjà problématique tant un tel mécanisme va être en pratique compliqué à instaurer et requérir des moyens que l’Etat ni les collectivités locales n’ont aujourd’hui.

 

L'article L.125-6 du code de l'environnement va aussi comporter une nouvelle obligation, à la charge de l'Etat, de réalisation d'une « carte des anciens sites industriels et activités de service ». Lorsqu'un terrain sera situé « sur ou à proximité » d'un tel site, soit répertorié, soit dont l'administration a connaissance, le certificat d'urbanisme devra en faire état. La définition des termes « à proximité » n’étant pas prévue par le texte, la démonstration qu'un service instructeur avait connaissance de l'existence d'un ancien site industriel ou de service donnera là aussi certainement lieu à de nombreuses discussions.

 

L’information de l’acquéreur ou du locataire d’un terrain se situant dans un « secteur d’information sur les sols » est également renforcée par la loi. L'acquéreur ou le locataire dispose d'un nouveau droit d'obtenir, dans un délai de deux ans soit la résolution du contrat, soit une indemnisation à raison de la révélation des désordres. Par ailleurs, la loi ALUR modifie également la rédaction de l'article L.514-20 du code de l'environnement (seule obligation légale d’information concernant la pollution des sols), qui borner désormais l'action de l’acquéreur à deux années et lui impose d’apporter la preuve de ce que la qualité du terrain le rend impropre à sa destination telle que définie dans le contrat de vente.

 

Responsabiliser les propriétaires de sites pollués

 

La loi ALUR s’attache enfin à clarifier la liste des débiteurs de l'obligation de remise en état d'un site pollué. Le nouvel article L.556-3 du code de l'environnement distingue ainsi les cas suivants :

 

- Le responsable de la pollution du terrain d'assiette d'une activité industrielle demeure le dernier exploitant ou son ayant droit (c’est-à-dire l’industriel), sauf transfert à un tiers de l'obligation de remise en état.

- Le responsable d'une pollution non industrielle d'un sol (par exemple remblais ou déchets) est « le producteur des déchets qui a contribué à l'origine de la pollution des sols ou le détenteur des déchets dont la faute y a contribué ».

- Enfin, lorsque le dernier exploitant de l'activité industrielle polluante ou le producteur des déchets ne peut être identifié, c'est, dans certaines conditions, le propriétaire négligent du terrain pollué qui pourra être contraint de le remettre en état, alors que c’était jusque-là l’ADEME qui prenait en charge ces sites dits « orphelins ».

 

Cette loi s’inscrit en effet dans la tendance jurisprudentielle récente d’une plus forte implication des propriétaires et porteurs de projets immobiliers dans la remise en état des sites pollués.

 

Désormais, le maître d'ouvrage d'un projet de construction situé dans un « secteur d’information sur les sols » devra faire réaliser un diagnostic de pollution par un bureau d'études agréé et selon une norme définie par le ministre de l'écologie. Cette étude donnera lieu à une attestation versée au dossier de demande de permis de construire.

 

 

En conclusion, alors que le droit des sites pollués était auparavant une émanation du droit des installations classées et des déchets, il devient désormais un régime juridique à part entière, qui emprunte aussi au droit civil et au droit de l’urbanisme et responsabilise les propriétaires au-delà des seuls pollueurs comme c’était le cas auparavant.

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