Des outils modernisés pour construire à toute ALUR

Construire plus de logements tout en préservant les espaces naturels et agricoles, tel est l’objectif affiché par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), adoptée par le Parlement le 20 février 2014. La mise en œuvre de cet objectif passe notamment par la modernisation des règles d'urbanisme, qui doit permettre une «  transition écologique des territoires  ».

  

Construire plus tout en préservant l’environnement

 

La crise du logement impose de construire plus, mais à ce critère quantitatif doit désormais être ajouté un critère qualitatif de préservation des espaces naturels et agricoles. Pour cela, le volet urbanisme de la loi (titre IV) prévoit différentes mesures novatrices. 

 

La densification des zones pavillonnaires

 

Les quartiers pavillonnaires existants constituent un véritable gisement de foncier puisqu'ils sont peu denses mais déjà urbanisés et dotés d'équipements et de service publics. 

 

La loi ALUR entend donc commencer par densifier ces quartiers existants en y favorisant la construction de logements supplémentaires. Pour cela, la loi supprime tout d’abord le coefficient d'occupation des sols (COS) qui permettait de déterminer la densité de construction admise sur un terrain en fonction de sa superficie. La loi précise cependant que les rescrits délivrée avant son entrée en vigueur ne pourront être remis en cause du fait de l’abrogation des COS. Il en va de même des demandes de permis de construire accompagnées d’une convention de transfert de COS conclue avant l’entrée en vigueur de la loi. 

 

Ensuite, les superficies minimales de terrains constructibles n’existeront plus  : le mécanisme qui permettait au Plan Local d'Urbanisme (PLU) de fixer une taille minimum de terrain, est en effet supprimé par la loi. De même, la subdivision en lots sera facilitée pour les lotissements par l'assouplissement des règles de vote.  

 

La limitation de l'étalement urbain

 

Corollaire de la densification des quartiers existants, la maîtrise de l’étalement urbain est un autre objectif majeur de la loi. Le but est de stopper le développement des surfaces urbanisées en périphérie des villes qui a commencé il y a une trentaine d'années et n'a cessé de s'amplifier depuis.

 

Cela passe notamment par la maîtrise de l'aménagement commercial. Pour ce faire, la loi entend notamment réduire les surfaces de parking des centres commerciaux afin de limiter la consommation d'espaces et l'imperméabilisation des sols. Ainsi, la superficie du parking ne pourra excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher affectée au commerce. Ce ratio, qui ne comprend pas les places de stationnement pour la charge de véhicules électriques ou hybrides, pourra cependant être augmenté par le PLU pour le fixer à un niveau compris entre les trois quarts et la totalité de la surface du commerce. Ces dispositions s’appliqueront aux bâtiments dont le permis de construire aura été déposé à compter du 1er janvier 2016.

 

Autre moyen de limiter l’étalement urbain, la réutilisation des anciens sites industriels constitue aussi un volet spécifique de la loi  : il s’agit de renforcer les obligations de remise en état de ces sites afin de pouvoir les affecter à de nouveaux usages, notamment commerciaux, sans empiéter sur des zones non urbanisées.

 

La suppression des plans d'occupation des sols (POS) au profit des PLU devrait elle aussi permettre de gagner en cohérence et en rationalisation des espaces. En effet, les POS prennent moins en compte que les PLU les principes du développement durable et la protection des espaces naturels. Ils se limitent généralement à préciser le droit des sols et appliquent souvent des règles de densité et de taille de terrains contradictoires avec l’objectif d’utilisation économe du sol désormais généralisé. Or ces POS étaient nombreux dans des zones où ces enjeux étaient vitaux par exemple en région parisienne ou sur la côte d'Azur.

 

Les POS devront ainsi être transformés en PLU avant le 31 décembre 2015 sous peine de caducité. A compter du 1er janvier 2016, c’est le règlement national d'urbanisme (RNU) qui sera applicable aux territoires couverts par des POS caducs et non mis en forme de PLU, sauf si une procédure de révision du POS a été engagée avant le 31 décembre 2015. Dans ce cas, le POS révisé pourra encore rester en vigueur pendant trois ans à compter de la publication de la loi ALUR. 

 

La préservation des espaces naturels en ville

 

Afin de maintenir, voire de renforcer la biodiversité et la nature en ville, les PLU pourront réserver, lors de la construction ou la réhabilitation d'immeubles, une part de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables (sols, surfaces en pleine terre végétalisée, etc.).

 

La limitation de l’artificialisation des sols 

 

La loi ALUR entend mettre fin à la perte de qualité des milieux naturels dont la superficie diminue tous les jours du fait de l'urbanisation croissante.

 

Partant du constat que les ouvertures à l'urbanisation dans les PLU font trop souvent l'objet d'un surdimensionnement, la loi souhaite utiliser le zonage du PLU afin qu'il corresponde à l'usage des terrains et à la réalité des projets envisagés, et privilégie les constructions sur des terrains déjà urbanisés. Ainsi, une commune qui souhaitera ouvrir une zone à l’urbanisation devra prendre une délibération motivée pour modifier le PLU justifiant «  l’utilité de cette ouverture au regard des capacités d’urbanisation encore inexploitées dans les zones déjà urbanisées et la faisabilité opérationnelle d’un projet dans ces zones  ». Gageons que cette notion d’utilité donnera lieu à de nombreuses discussions et contentieux subséquents…

 

De même, lorsqu’une zone à urbaniser n'aura fait l'objet d'aucun projet d'aménagement ou d'acquisitions foncières dans les neuf ans suivant sa création, il faudra engager une procédure de révision du PLU pour pouvoir ouvrir à nouveau cette zone à l’urbanisation, ce qui constituera de fait un frein à l’urbanisation de cette zone. 

 

La loi ALUR a également pour objectif de lutter contre le mitage en utilisant mieux le zonage du territoire déjà effectué. En effet, trop souvent des constructions se trouvent implantées aux milieux de zones rurales ou loin des agglomérations, ce qui est coûteux non seulement en termes de raccordement aux équipements publics mais aussi en raison du sacrifice de terres utiles à l'agriculture. Plusieurs mesures sont mises en place par la loi afin de limiter la constructibilité dans ces zones qui n'ont pas vocation à être habitées.

 

Tout d'abord la possibilité de déroger à la règle d'inconstructibilité est strictement encadrée. Ainsi par exemple, dans les communes qui ne sont couvertes ni par un schéma de cohérence territoriale (SCOT) ni par un document d’urbanisme, les secteurs situés en dehors des parties urbanisées ne peuvent plus être ouverts à l’urbanisation, alors que cela était possible auparavant sur simple délibération motivée du conseil municipal.

 

La loi élargit aussi le champ d'intervention des commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA) qui sont un des outils de la stratégie de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles mis en place par la loi de modernisation de l’agriculture du 27 juillet 2010.

 

Enfin la loi ALUR souhaite encadrer les «  drive  », dont le développement important de ces dernières années a entraîné une implantation désordonnée d'entrepôts commerciaux. Une autorisation d'exploitation commerciale sera donc désormais nécessaire pour l'ouverture d'un «  point de retrait  ». Cette disposition s'appliquera dès l'entrée en vigueur de la loi, y compris aux drive ayant une demande d'urbanisme en cours d'instruction.

 

 

Moderniser les documents d'urbanisme

 

La commune n’est plus l'échelle privilégiée pour coordonner et mettre en œuvre les différentes politiques d'urbanisme. La loi ALUR décide donc de changer de niveau local en passant des communes aux intercommunalités par le biais du PLU intercommunal et de simplifier la hiérarchie des normes en matière d'urbanisme en renforçant le rôle des schémas de cohérence territoriale (SCOT)

 

Des PLU intercommunaux (PLUI) boostés

 

Actuellement les communautés de communes et communautés d'agglomération n'exercent pas de plein droit la compétence urbanisme. La loi ALUR met donc en place un transfert automatique de la compétence du PLU aux communautés de communes et communautés d'agglomération, afin de faire de l'intercommunalité la règle pour mieux coordonner les actions locales.

 

Ce transfert de compétence devra être effectué dans un délai de trois ans suivant la publication de la loi. Pendant ce délai ce sont les modalités de transfert de compétence prévues par le code général des collectivités territoriales qui s'appliqueront. Afin de faciliter l'élaboration des premiers PLUI, l'intégration des plans locaux de l'habitat et des plans de déplacement urbain dans le PLUI sera facultative.

 

Si le transfert de compétence n'a pas eu lieu dans ce délai de 3 ans, la communauté de communes ou la communauté d’agglomération deviendra compétente de plein droit le premier jour de l’année suivant l'élection du président de la communauté consécutive au renouvellement général des conseils municipaux et communautaires. La seule exception à ce principe concerne le cas où, dans les trois mois précédant le terme du délai de trois ans, au moins un quart des communes représentant au moins 20% de la population s'y opposent. Cette «  minorité de blocage  » permet donc aux élus locaux de bénéficier d'une capacité d'opposition aux transferts, mais elle est limitée.

 

Le SCOT valorisé

 

Le SCOT est un document d'urbanisme qui planifie sur le long terme les grandes orientations d’aménagement pour un territoire donné. Afin de clarifier la hiérarchie des normes d'urbanisme, les SCOT sont renforcés par la loi ALUR et placés au sommet de cette hiérarchie. Ainsi, le PLU et la carte communale ne seront plus opposables en cas de présence d'un SCOT, qui devient désormais le document d'urbanisme de référence. 

 

De même, le rôle du SCOT comme document charnière de l'aménagement commercial est consolidé, le document d'aménagement commercial étant supprimé.

 

Le SCOT devra prévoir une analyse du potentiel de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis. Cette analyse devra avoir pour objectif la limitation de la consommation des zones naturelles et agricoles ainsi qu'une prise en compte urbaine et architecturale dans l'accélération de la densification. Un diagnostic agricole du territoire devra aussi figurer dans le SCOT de manière à prendre en compte l'impact à moyen terme de l'activité agricole sur l'ensemble du territoire.

 

La mise en compatibilité du PLU, du document en tenant lieu ou d’une carte communale avec un SCOT ou un schéma de secteur approuvé avant le 1er juillet 2015 doit s’opérer dans un délai de trois ans.

 

 

Laurence Esteve de Palmas

Avocat à la Cour

Exeme Environnement

 

 

Ce qu’il faut retenir  :

 

Le titre IV de la loi ALUR modernise les règles d'urbanisme pour permettre de construire plus de logements tout en préservant l’environnement.

Au service de cet objectif, le SCOT devient le document local d’urbanisme de référence. La loi fait par ailleurs de l’intercommunalité le niveau approprié en la matière puisque le transfert de la compétence urbanisme au profit des communautés d'agglomération et des communautés de communes est désormais de droit.

La densification des zones pavillonnaires souhaitée par la loi passe par la suppression du COS et des superficies minimales de terrains constructibles.

La lutte contre l'étalement urbain et la consommation d'espaces naturels et agricoles se traduit notamment par la limitation des surfaces de parking des centres commerciaux et le frein au développement des «  drive  ». L’ouverture à l’urbanisation de nouvelles zones devient aussi plus strictement encadrée.

Parmi les autres dispositions de la loi, figurent le renforcement de la concertation et de la participation du public dans les décisions relatives à l'urbanisme tout au long de la procédure, et non plus seulement au stade de l’enquête publique. Enfin la loi ALUR fait évoluer le cadre juridique du droit de préemption, qui fait l'objet d'un très grand nombre de contentieux. 

 

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