Panneaux solaires au sol : une réglementation renforcée
Jusqu’au décret du 19 novembre 2009, les panneaux photovoltaïques au sol n’étaient soumis à aucune réglementation spécifique au titre du Code de l’urbanisme. Désormais, deux types d’installations sont encadrées : celles touchant des zones vulnérables et celles dont l’importance en termes de hauteur ou de puissance pourrait nuire, notamment, à la protection des paysages. L’intérêt du décret est d’avoir fixé un seuil de puissance et non un seuil de surface.
A la différence des panneaux solaires installés en toiture qui sont nécessairement intégrés à la construction, les panneaux posés au sol mobilisent des surfaces très importantes – le plus souvent des terres agricoles – à ce seul usage et pour de nombreuses années. Or, jusqu’à présent, l’installation de ces panneaux solaires n’était soumise à aucune autorisation d’urbanisme. En pratique, cela générait une incertitude sur la possibilité d’implanter de tels équipements dans des zones à vocation agricole, réglementées par des plans locaux d’urbanisme (PLU) restrictifs ou à tout le moins silencieux sur ce point. Un décret du 19 novembre 2009 est donc venu instaurer un régime juridique, certes contraignant, mais qui encadre un domaine jusque là incertain et soumis à la seule appréciation des maires concernés.
Nouvelle réglementation depuis le 1er décembre Les panneaux solaires installés au sol ne créent pas de surface hors œuvre brute. Ils n’étaient donc soumis ni à permis de construire ni à déclaration préalable (sauf si elles se situaient en secteur sauvegardé ou en site classé, périmètres dans lesquels la déclaration préalable des travaux était requise), au contraire de leurs locaux techniques, lignes électriques et clôtures qui sont, eux, la plupart du temps, soumis à déclaration préalable. L’exploitation de panneaux solaires au sol était uniquement subordonnée à étude d’impact pour les projets dépassant 1,9 million d’euros (article R.122-8 du Code de l’environnement) ainsi qu’à l’autorisation préalable du ministre chargé de l’Energie pour les installations de plus de 4,5 MW . En-dessous de cette puissance, une simple déclaration préalable était requise. Le décret n°2009-1414 du 19 novembre 2009 relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d’électricité est venu créer pour ces ouvrages un régime d’autorisation, établi en fonction de leur puissance et de leur hauteur. Depuis le 1er décembre 2009, les centrales solaires au sol d’une puissance supérieure à 250 kW crête (kWc) sont désormais soumises à enquête publique, étude d’impact et permis de construire. Celles dont la puissance est comprise entre 3 kWc et 250 kWc, quelle que soit leur hauteur, sont soumises à déclaration préalable. De la même façon, les ouvrages dont la puissance crête est inférieure à 3 kWc mais qui dépassent 1,80 m de haut sont soumis à déclaration préalable. Ainsi, seuls les ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés sur le sol dont la puissance crête est inférieure à 3 kwc et dont la hauteur maximale au-dessus du sol ne dépasse pas 1,80m ne sont soumis à aucune formalité (sauf lorsqu’ils sont situés dans des zones protégées visées à l’article R 421-11).
Régime transitoire
Le décret aménage néanmoins un régime transitoire qui exclut expressément du nouveau régime d’autorisation les ouvrages de production d’énergie solaire au sol qui ont fait l’objet d’une non-opposition à travaux ou d’un permis de construire pour leurs annexes, avant le 1er décembre 2009. De même, n’entrent pas dans le champ d’application du nouveau décret les parcs photovoltaïques dépourvus de constructions annexes (et donc dispensés de formalités) dont la réalisation a été commencée ou achevée avant le 1er décembre 2009.
Perspectives pour les maires
Si le décret instaure un régime strict d’autorisation préalable à l’implantation de panneaux solaires au sol, il n’est pas censé être un frein au développement de cette énergie. Ainsi, il complète l’article R. 123-20-1 du Code de l’urbanisme afin de permettre aux maires d’appliquer la procédure de révision simplifiée des documents d’urbanisme pour permettre le développement du photovoltaïque au sol. Cette procédure simplifiée peut désormais être utilisée pour « supprimer des règles qui auraient pour seul objet ou pour seul effet d’interdire l’installation d’ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés sur le sol d’une puissance crête inférieure ou égale à douze mégawatts », en dehors des zones protégées.
De même, le projet de loi portant Engagement national pour l’environnement (dit « Grenelle II ») adopté en première lecture par le Sénat le 8 octobre dernier prévoit (article 4) d’insérer un article L. 111-6-2 dans le Code de l’urbanisme ainsi rédigé : « nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s’opposer à l’installation de systèmes solaires thermiques ou photovoltaïques ou de tout autre dispositif domestique de production d’énergie renouvelable (…). Les dispositions du présent alinéa ne font pas obstacle à ce que le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable comporte des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant ». Ces dispositions ne sont pas applicables dans les secteurs protégés ou classés, mais cet article prend soin d’ajouter qu’à compter de la publication de la loi, « toute règle nouvelle qui, à l’intérieur de ces secteurs, interdirait ou limiterait l’installation d’équipements d’énergies renouvelables devra faire l’objet d’une justification particulière ». Il sera intéressant de voir comment les maires appliqueront ces nouvelles dispositions qui encadrent leur pouvoir en matière notamment d’autorisation d’implantation de panneaux solaires.
Levée d’un paradoxe
La clarification apportée par le décret était nécessaire. La réglementation en vigueur jusqu’alors avait en effet généré un paradoxe : les panneaux solaires installés au sol, à moins de 12 mètres de hauteur et ne créant pas de surface de plancher (et donc pas de SHOB), aucune formalité n’était imposée au titre de l’article R. 421-2 du Code de l’urbanisme. Ainsi, une ferme solaire (ou centrale) comportant un alignement massif de panneaux solaires sur plusieurs hectares n’était pas soumise à autorisation, alors que l’installation de panneaux solaires sur une construction est considéré comme modifiant son aspect extérieur et requérait donc une déclaration préalable en mairie. Ceci ne manquait d’ailleurs pas de poser quelques difficultés lorsqu’il s’agissait d’adresser à ERDF les documents administratifs permettant d’obtenir une proposition technique et financière car le formulaire prévoit, parmi les pièces jointes, le récépissé de la demande d’autorisation d’urbanisme.
Trois catégories d’installations
Le décret envisage trois catégories d’installations :
1) Installations d’une puissance inférieure à 3 kWc Si l’on considère le tarif de rachat de l’électricité produite par les installations au sol, cette limite de puissance ne permet pas de rentabiliser le lourd investissement que représentent les panneaux. Aussi les installations d’une puissance inférieure à 3 kWc seront-elles réservées aux sites isolés pouvant se contenter d’une faible puissance ou situés dans des zones dans lesquels l’impact visuel doit être contenu (une telle puissance correspondant à une surface de panneaux de l’ordre de 25 m²).
2) Installations d’une puissance comprise entre 3 et 250 kWc Hormis les zones particulières, le principe est la liberté encadrée pour ces installations. La soumission de telles centrales à une simple déclaration préalable et non à un permis de construire permet de procéder à une instruction simplifiée du dossier. L’objet est la mise en œuvre de centrales de production solaires qui pourront être exploitées par des investisseurs privés ou par ERDF. La limite à ce raisonnement est le contenu des PLU pour les zones susceptibles d’être équipées : il s’agit en effet généralement de zones naturelles ou de zones agricoles pour lesquelles les documents d’urbanisme excluent toute construction autre qu’agricole. C’est pourquoi le décret permet le recours à la procédure de révision simplifiée des PLU afin de permettre l’implantation de panneaux solaires dans ces zones. L’intérêt du décret est d’avoir fixé un seuil de puissance et non un seuil de surface. En effet, les centrales au sol supportent des impératifs techniques différents de celles disposées en toiture : les panneaux sont disposés par petits groupes sur des supports orientés au sud et les maintenant à quelques décimètres du sol. Cette disposition nécessaire crée des ombres portées. Afin d’éviter que les panneaux ne soient partiellement touchés par ces ombres, il est nécessaire d’espacer les supports. Ainsi, pour une puissance équivalente, la surface au sol d’une installation dite « en plein champ » est sensiblement supérieure à celle d’une installation en toiture.
La puissance maximale fixée à 250 kWc représente donc une surface approximative au sol de 7500 m² qui devrait aller en diminuant avec l’amélioration continue du rendement des panneaux. A titre de comparaison, une installation en toiture de même puissance n’occupera que 1 800 m2. Ainsi, la surface de panneaux différant sensiblement de la surface occupée au sol, en fonction des conditions du terrain et des possibilités de terrassement, l’espace occupé par la centrale peut donc varier. Par voie de conséquence, le fait d’avoir fixé une limite en puissance et non en surface est beaucoup plus en adéquation avec les nécessités pratiques. L’absence de permis de construire pour ces installations aurait donc vocation à en permettre le développement, sous réserve des dispositions restrictives des PLU. Les limites ne seraient alors plus posées par la réglementation mais par la topographie du terrain et les capacités de raccordement proches du site. La tranche de puissance (3 à 250 kWc) permet d’envisager de multiples installations qu’il sera possible de raccorder en fonction du réseau local. L’objectif vraisemblable est donc le maillage du territoire français (notamment du fait de la variation du tarif en fonction de la région mentionnée dans le projet d’arrêté tarifaire publié le 9 septembre 2009) avec ces centrales de puissance moyenne.
3) Centrales supérieures à 250 kWc
Eu égard aux puissances en jeu, ces centrales nécessitent des travaux d’infrastructure lourds. Leur impact visuel ne sera pas négligeable et il apparaît donc logique que leur création soit plus sévèrement encadrée. Les obstacles juridiques et techniques les affectant ont pour conséquence (et peut-être aussi pour finalité) de les réserver à ERDF et à quelques opérateurs. La détermination des zones de développement dans chaque région permettra vraisemblablement de savoir si, outre des impératifs techniques et environnementaux, des considérations plus « politiques » seront prises en compte.
ESSENTIEL
* Le nouveau dispositif devrait permettre d’encadrer le développement des centrales photovoltaïques et de garantir leur bonne insertion environnementale.
* Les centrales au sol d’une puissance crête supérieure à 250 kW sont désormais soumises à enquête publique, étude d’impact et permis de construire.
*En ouvrant la voie à des centrales de taille moyenne installées sans autre contrainte qu’une déclaration préalable, un nouvel élan devrait être donné aux installations au sol.