Fusion-absorption : revirement de jurisprudence sur le transfert de responsabilité

Dans un arrêt du 25 novembre 2020 (n°18-86.955), la chambre criminelle de la Cour de Cassation a estimé que, suite à une opération de fusion-absorption, la société absorbante peut-être condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commis avant l’opération par la société absorbée.

 

En effet, pour la Cour, même si l’opération de fusion-absorption entraîne la dissolution de la société mise en cause, la personne morale absorbée est continuée par la société absorbante.

 

En conséquence, le juge qui constate qu’il a été procédé à une opération de fusion-absorption, peut, après avoir constaté que les faits objet des poursuites sont caractérisés, déclarer la société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d’amende ou de confiscation.

 

Jusqu’alors, au visa de l’article 121-1 du code pénal qui dispose que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait, la Cour de Cassation estimait que ce principe s’opposait à ce qu’à la suite d’une opération de fusion-absorption, la société absorbante soit poursuivie et condamnée pour des faits commis par la société absorbée antérieurement à l’opération (voir notamment Cass crim 20 juin 2000, n°99-86.742). Or, pour la Cour, cette approche était sans rapport avec la réalité économique dans la mesure notamment où l’activité économique et fonctionnelle de la personne morale se poursuit suite à l’opération de fusion-absorption (transmission universelle du patrimoine de l’absorbée, poursuite des contrats de travail, etc.).

 

Cette interprétation nouvelle de l’article 121-1 précité, impulsée par la Cour de Justice de l’Union Européenne, constitue donc un revirement de jurisprudence. Ainsi, elle ne s’appliquera qu’aux opérations de fusion conclues postérieurement au 25 novembre 2020, date de prononcé de l’arrêt, afin de ne pas porter atteinte au principe de prévisibilité juridique.

 

En tout état de cause, quelle que soit la date de la fusion ou la nature de la société concernée, la responsabilité pénale de la société absorbante peut-être engagée si l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale et qu’elle constitue ainsi une fraude à la loi.

 

Ce revirement, qui portait en l’espèce sur l’incendie d’entrepôt de stockage d’archives, va ainsi avoir une portée très importante, notamment en droit pénal de l’environnement, de sorte qu’il conviendra d’être particulièrement vigilent lors de la réalisation d’opérations de fusion-absorption (réalisation d’un audit détaillé de la situation juridique de la société à absorber).